« Je sais rapper mais j’voulais pas être rappeur ! Un artiste qui marche bien devait être un menteur. » Demi Portion, sur son morceau Retour aux sources, nous parle de celui qu’il ne voulait pas être. Il nous montre aussi celui qu’il cherche à être : un rappeur aguerri, qui pour autant ne ment pas, et reste fidèle à lui-même. Depuis près de vingt-cinq ans, l’artiste sétois ne se trahit pas, et dialogue avec son public, en toute sincérité. Ce dialogue avec le public, il le tisse sur les réseaux sociaux, mais aussi sur scène, son terrain de jeu favori depuis ses débuts.
C’est même là que tout a commencé aux alentours de 1995. Le jeune Rachid Daïf écume alors les salles de concert, faisant les premières parties de ses artistes favoris : Fabe, la Fonky Family, Rocca. Au grès de ses rencontres avec les rappeurs, le jeune sétois gagne en expérience. Il forme les Grandes Gueules, un duo avec Sprinter, son ami de toujours, avant d’entamer sa carrière solo à partir de 2008. Il multiplie les projets, les mixtapes et les EPs, sans jamais oublier de rendre hommage à ce qui l’a construit : la culture hip-hop.
En 2011, il sort son premier album, Artisan du Bic. Son second long format, Les Histoires, en 2013, lui permet d’accéder à un public plus large. On découvre l’une des voix les plus touchantes et les plus sincères du rap français. Mais pour ce fan de Dragon Ball, l’entraînement et la persévérance sont des valeurs primordiales, et c’est en 2015, avec Dragon Rash, que Rachid devient un Super Saiyan. Acclamé par le public, le rappeur n’en perd pas autant sa boussole et reste fidèle à ses origines. Lui qui clame sur Poignée de punchlines v2, « Tu manges bien donc c’est cool quand tu en donnes un peu » s’applique son propre conseil, et crée en 2016 à Sète le Demi-Festival, où les grands noms du rap se succèdent depuis, de Youssoupha à Kery James. En parallèle, il accélère son rythme de production, publiant en 2017 et 2018 deux albums : 2 Chez Moi et Super héros. Sur ce projet, le super-héros du quotidien – il revendique haut et fort le fait d’être comme tout le monde – s’ouvre à des sonorités électroniques et développe son utilisation des musiques orientales, lui qui ne cesse de rendre hommage à son père d’origine marocaine sur ses albums.
Pourtant, sur son dernier projet qui sort le 17 janvier 2020, Demi-Portion retourne vers le boom-bap, vers La Bonne Ecole – comprendre celle du hip-hop. Un observateur inattentif prendrait ce choix pour un retour en arrière, de la nostalgie. Mais ceux qui suivent « Demi P » savent que cet album n’est que la suite logique de la trajectoire d’un artiste qui garde toujours un œil sur ses racines, et l’autre sur son public. Sur les 18 titres, on croise Brassens, icône sétoise, Mireille Mathieu, mais aussi Bigflo et Oli, Scylla, Grand Corps Malade, ou Davodka. L’album revêt les couleurs de l’intime, mais aussi de l’urgence politique, sur laquelle Rachid s’exprime avec la franchise qui le caractérise. Et, au détour d’un couplet sur Rétro, on croise la phrase qui définit sans doute le mieux le parcours de Demi-Portion : « Garder mon identité, désolé ça s’refuse pas. »
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